Introduction
Une cellulite cervico faciale est une infection grave engageant donc le pronostic vital. Elle est définie comme une infection des espaces aponévrotiques profonds de la face et du cou. L’absence de barrière anatomique permet ainsi la diffusion de l’infection de manière rapide, de la base du crâne au diaphragme.
Clinique
Symptomes évocateurs de cellulite cervico faciale
- Tuméfaction cervicale et/ou faciale, érythème extensif, inflammation cutanée.
- Trismus
- Aggravation/ apparition de symptômes: douleur cervicale, dysphagie, odynophagie, limitation des mouvements latéraux du cou, torticolis
- Apparition d’une dyspnée ou d’une dysphonie
- Aggravation des symptômes généraux (fièvre, apparition d’un syndrome septique sévère) même si ces signes peuvent être absents
Signes à rechercher
- Douleur à la palpation
- Crépitation sous-cutanée
- Erythème et induration cutanés
- Rotation cervicale controlatérale douloureuse
- Bombement de la paroi pharyngée
Facteur favorisants
- Porte d’entrée infectieuse le plus souvent pharyngée ou dentaire
- Prise d’AINS
- Prise de corticoïdes
- Automédication
- Contexte d’immunodépression
Complications
Les cellulites ayant pour point de départ une dent de l’arcade supérieure
Elles diffusent classiquement vers le massif facial et la région ptérygo-maxillaire, puis la fosse soustemporale. La complication la plus redoutable de cette localisation est donc la thrombophlébite suppurée de la veine faciale, qui peut donner lieu à une thrombose du sinus caverneux, dont les signes cliniques associent :
- un syndrome de la fente sphénoïdale (atteinte des nerfs III, IV, VI et V1),
- une exophtalmie majeure,
- un œdème palpébral
- des signes d’atteinte méningée, avec un syndrome septique majeur.
Cette complication, rarissime sous nos latitudes depuis l’avènement des antibiotiques, mais elle est en général mortelle.
Les cellulites à point de départ mandibulaire
Elle diffusent vers les voies aéro-digestives supérieures (VADS) en profondeur, et vers le médiastin en bas.
La compression des VADS est, parmi les complications graves des cellulites, la plus fréquente. Elle peut entraîner la mort par arrêt respiratoire, après une évolution de quelques heures. Les signes cliniques alarmants sont l’infiltration du plancher de la bouche, avec ascension de la langue, la présence d’un trismus serré, mais surtout une raucité de la voix, une dysphagie totale caractérisée par un bavage, et une orthopnée.
Il est crucial de noter que, dans ce type de syndrome obstructif, comme dans les épiglottites virales de l’enfant, la saturation en oxygène reste normale jusqu’à l’arrêt respiratoire : son monitorage ne représente donc en aucun cas un moyen de surveillance efficace des patients atteints de cellulite grave.
L’atteinte médiastinale, qui s’explique par la continuité anatomique des loges cellulo-graisseuses cervico-faciales et médiastinales, est le plus souvent de découverte radiologique dans le cadre d’une cellulite à extension cervicale basse rapidement évolutive. Les signes généraux sont marqués, avec parfois une défaillance cardiaque par compression ou syndrome septique. Le pronostic est souvent fatal
Conduite à tenir devant une cellulite cervico faciale
Tomodensitométrie cervicale et thoracique en urgence avec injection de produit de contraste
Le scanner doit impérativement explorer le thorax afin de détecter une médiastinite que les signes cliniques ne permettent pas toujours de suspecter. Les clichés doivent être injectés pour mieux diagnostiquer les zones d’abcès mais aussi analyser le retentissement vasculaire de l’infection
Signes de cellulite sur la tomodensitométrie dans les différents espaces aponévrotiques
- Cellulite, fasciite ou myosite: infiltration des tissus graisseux, aponévrotiques ou musculaires avec épaississement de ces structures et prise de contraste modérée diffuse
mal limitée. - Collection: zone mieux délimitée hypodense avec prise de contraste périphérique intense.
- Présence de gaz ou emphysème au sein de l’infiltration ou de la collection, de valeur pronostique péjorative.
- Nécrose tissulaire (zones tissulaires hypodenses sans rehaussement après injection de produit de contraste).
- Présence d’adénopathies inflammatoires (> 15 mm) avec prise de contraste hétérogène.
- Médiastinite associée:
- infiltration de la graisse médiastinale, extension d’une collection au médiastin, le plus souvent par l’espace rétropharyngé.
- Préciser l’extension du processus infectieux au-dessus ou au-delà de la crosse aortique.
- Les épanchements péricardiques et pleuraux sont également à rechercher.
Bilan sanguin
Hyperleucocytose et augmentation de la CRP sont la règle devant ces infections.
Le reste du bilan (crase, ionogramme sanguin etc.) pour l’opérabilité du patient.
Les hémocultures en cas de syndrome septique grave.
Prélèvements bactériologiques
Ils ne sont pas réalisés en routine lors du drainage d’une cellulite collectée « banale », car les germes retrouvés dans l’immense majorité des cas sont des germes saprophytes banals de la cavité buccale, systématiquement sensibles aux antibiotiques.
Il est, en revanche, important de les réaliser dans certaines situations :
- cellulite gangréneuse, ou un pus brunâtre et malodorant signe la présence dominante de germes anaérobies ;
- drainage itératif de collection, résistante au traitement classique bien conduit ;
- terrain (immunosuppression, cellulite récidivante, antécédents d’irradiation de la cavité buccale).
Traitement médical
Il repose sur l’association antibiotiques-antalgiques, et l’éviction des AINS.
Aantibiotiques
prescrite de façon probabiliste, vise les streptocoques et les staphylocoques, ainsi que les germes anaérobies de la cavité buccale (Clostridium perfringens et oedematiens, Cryptococcus histolyticus, fusobactéries, actinomycètes).
- Ceftriaxone Rocéphine® 100mg/kg/j en 2 perfusions ou céfotaxime Claforan® 300mg/kg/j en 4 perfusions associés à 1,5 g de métronidazole Flagyl® en 3 perfusions
- L’association de remplacement, en cas d’allergie, comporte de la clindamycine Dalacine® 600 mg × 3/j) et du métronidazole Flagyl® en 3 perfusions
- Une antibiothérapie plus « classique » de type amoxicilline-acide clavulanique Augmentin® est possible en raison de sa bonne efficacité sur les souches anaérobies, mais très souvent les patients l’ont déjà reçu comme traitement préalable à l’apparition de la cellulite : les conditions locales lui sont plutôt défavorables, une association aux aminosides est indispensable (qui n’ont pas d’action sur les anaérobies)
- Cette antibiothérapie est éventuellement sujette à des adaptations secondaires, en fonction des résultats de l’antibiogramme.
- La durée de l’antibiothérapie varie selon la gravité de l’infection initiale et surtout l’évolution du patient : d’un minimum de 15 jours jusqu’à plusieurs semaines.
Antalgique selon l’évaluation analogique de la douleur.
Les HBPM
- à dose préventive prescrites en cas d’œdème jugal atteignant la paupière inférieure.
- La dose curative en cas de palpation d’un cordon inflammatoire sur le trajet de la veine faciale.
Traitement chirurgical d’une cellulite cervico faciale
Au stade séreux
Traitement médical et traitement de la dent, conservateur ou non, seront réalisés sous surveillance, après hospitalisation en chirurgie. Un traitement ambulatoire peut être réalisé seulement si la tolérance de l’infection est bonne, si le patient est très compliant, et capable de se présenter de nouveau au moindre signe d’aggravation.
Au stade suppuré
Traitement médical, traitement chirurgical de la porte d’entrée (en général, avulsion de la dent causale), mise à plat de l’abcès et mise en place d’un système de drainage. HBPM si nécessaire. Hospitalisation en chirurgie.
Au stade gangréneux
Hospitalisation en réanimation, mise en condition et début du traitement médical, passage au bloc en urgence, trachéotomie, parage des tissus nécrotiques et traitement de la porte d’entrée. Réalisation de prélèvements bactériologiques.
Il comprend le traitement de la porte d’entrée, en l’occurrence celui du foyer infectieux dentaire, et celui de la cellulite qui va de la mise à plat d’un abcès, par voie endobuccale
ou transcervicale, avec mise en place de drainage, jusqu’au large débridement de tissus nécrotiques. Il est le plus souvent réalisé sous anesthésie générale.