Épidémiologie
La gonococcie est une affection due à Neisseria gonorrhoeæ (ou gonocoque) (NG) bactérie Gram négatif en forme de diplocoque surtout intracellulaire dans les polynucléaires neutrophiles, cytochrome-oxydase positif, immobile et asporulé.
Elle est transmise par contact direct, essentiellement à l’occasion des rapports sexuels, entre une personne infectée, symptomatique ou non, et une autre personne. Il s’agit de l’une des MST les plus répandues dans le monde. En revanche, on assiste depuis 1998, à une recrudescence de cette affection dont l’incidence reste toutefois inférieure à celle qui était enregistrée au début des années 80.
La représentation des homosexuels masculins a fortement augmenté ainsi que la séroprévalence VIH et le rôle du sexe oral.
Clinique Chez l’homme
Les manifestations surviennent après une période d’incubation silencieuse et contagieuse de 2 à 7 jours. On distingue globalement trois types d’atteintes :
L’urétrite antérieure aiguë est la manifestation clinique la plus typique. Elle est responsable de brûlures mictionnelles, d’un écoulement urétral purulent, classiquement jaune verdâtre et d’une méatite inflammatoire (avec parfois une balanite).
Une infection gonococcique non diagnostiquée et non traitée peut entraîner des complications loco- régionales : abcédation, prostatite et épididymite
Chez la femme
L’infection gonococcique est le plus souvent asymptomatique (70 % des cas). Lorsqu’elle est symptomatique, elle se manifeste le plus souvent par un tableau de cervicite discrète avec un col d’aspect normal ou parfois enflammé avec du pus provenant de l’orifice cervical. Elle peut entraîner une pesanteur pelvienne, des leucorrhées purulentes volontiers associées à une urétrite (brûlures mictionnelles, dysurie, œdème et rougeur du méat).
En l’absence de traitement, l’infection gonococcique peut être responsable de complications sur le haut appareil génital avec notamment les salpingites, les stérilités tubaires, les algies pelviennes inflammatoires et les risques de grossesse extra-utérine.
Dans les deux sexes
L’atteinte ano-rectale est le plus souvent asymptomatique (2/3 des cas). Elle peut entraîner un prurit anal ou une anite avec écoulement anal purulent. Il est parfois rapporté des selles enrobées de pus, une diarrhée, des saignements anaux, des douleurs périnéales et des sensations de défécation incomplète.
L’oropharyngite est le plus souvent asymptomatique.
La conjonctivite est possible (manuportage)
Dans de rares cas, le gonocoque peut être responsable d’un tableau septicémique subaigu caractérisé par la survenue d’une fièvre et dominé par les manifestations articulaires (mono ou oligoarthrites), péri-articulaires (ténosynovites) et cutanées (papules ou papulo-pustules isolées de topographie distale). Des complications graves (endocardite, méningite) ont été décrites.
Diagnostic
Les prélèvements sont effectués le matin avant émission d’urine ou toilette génito- urinaire avec un écouvillon de coton ou de plastique chez l’homme à partir de l’écoulement urétral, ou en l’absence d’écoulement, par écouvillonnage endo-urétral. Chez la femme à partir des sécrétions cervicales et par écouvillonnage endo-urétral.
Un prélèvement pharyngé et anal doit être systématiquement associé chez la femme et l’homosexuel masculin.
Examen direct
L’examen direct met en évidence après coloration par le bleu de méthylène ou le Gram, des diplocoques intracellulaires Gram négatif «en grain de café». La sensibilité de cet examen par rapport à la culture est proche de 100 % chez l’homme symptomatique. La sensibilité de l’examen direct est très faible pour les prélèvements pharyngés, ano- rectaux et cervico-vaginaux.
Culture
Elle est effectuée sur une gélose au sang cuit (Thayer-Martin, Isovitalex) avec et sans adjonction d’antibiotiques. Un antibiogramme est obligatoire ainsi que la recherche de la production d’une pénicillinase. Les colonies poussent en 24 à 48 heures.
Du fait de la fréquence croissante des souches de gonocoques multirésistants, la culture avec antibiogramme est devenue indispensable pour toute urétrite avec écoulement même si la sensibilité de l’examen direct est excellente.
Détection des antigènes
Leur manque de spécificité et de sensibilité les ont fait abandonner.
Tests d’amplification des acides nucléiques (TAAN)
Ils ne sont pas encore à la nomenclature mais de plus en plus utilisés ; particulièrement intéressants chez la femme (col utérin et écouvillonnage vulvo-vaginal) et dans les sites pharyngé et anal où la culture est peu sensible. La plupart des tests sont duplex NG/CT. Chez les sujets asymptomatiques les TAAN sont effectués sur le 1er jet d’urine chez l’homme et par auto-écouvillonnage vulvo-vaginal chez la femme. En cas de test positif une culture doit être pratiquée pour effectuer un antibiogramme.
Traitement des gonococcies uro-génitales basses
Les antibiotiques actuellement recommandés sont:
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La ceftriaxone : une injection unique intramusculaire de 500 mg. C’est l’antibiothérapie de choix en cas de gonococcie pharyngée associée en raison d’une très bonne diffusion (femmes, homosexuels masculins). La tolérance est excellente avec d’exceptionnels accidents anaphylactiques. On note une diminution progressive de la sensibilité des souches aux céphalosporines de 3ème génération (C3G), particulièrement au céfixime. De nombreuses résistances aux C3G orales ont été décrites et même une dizaine d’observations de souches résistantes à la ceftriaxone. Les C3G orales doivent être abandonnées.
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La spectinomycine n’est malheureusement plus disponible. La gentamicine est utilisée en Afrique depuis de nombreuses années. Le traitement est mal codifié (240 mg IM DU). Les résistances sont exceptionnelles mais la diffusion pharyngée est mauvaise.
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L’azithromycine ne peut être active dans les gonococcies qu’à des doses élevées (2 g) qui entraînent alors des troubles digestifs importants. En conséquence cet antibiotique n’a pas de place actuellement dans cette indication d’autant que des résistances apparaissent rapidement.
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La pénicilline et les cyclines sont abandonnées (souches productrices de pénicillinase : 10 à 20 %, souches hautement résistantes aux cyclines : 40 à
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%) de même que les fluoroquinolones (plus de 50 % de résistances).
Recommandations thérapeutiques :
Gonococcie génitale non compliquée
Une culture est indispensable (+ pharynx et anus chez la femme et l’homosexuel masculin)
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ceftriaxone : 500 mg IM – dose unique (peut-être utilisé en sous-cutané ou en IV en cas d’anomalie de l’hémostase)
- Un traitement anti-chlamydien doit être systématiquement associé
- Un contrôle clinique est nécessaire à J7. Un contrôle bactériologique à J7 est recommandé en cas d’échec clinique.
Sujet allergique aux bétalactamines :
- La spectinomycine n’est plus disponible.
- azithromycine : 2g – dose unique ou 2. gentamicine : 240 mg IM dose unique ou 2. ciprofloxacine : 500 mg per os – dose unique
- Un contrôle bactériologique à J7 est obligatoire à tous les sites infectés à J0.
Un contrôle clinique est nécessaire à J7 avec contrôle de la sensibilité de la souche sur l’antibiogramme fait à J0 et éventuelle prescription d’un autre traitement alternatif.
En cas d’impossibilité d’administrer un traitement alternatif :
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désensibilisation aux bétalactamines et ceftriaxone
Cas particuliers
femme enceinte : la spectinomycine, la gentamicine et les fluoro-quinolones sont contre-indiquées,
sujet VIH + : le traitement standard est indiqué,
septicémie à gonocoque : ceftriaxone : 1 g IM ou IV/jour pendant 7 à 10 jours,
prostatite gonococcique : ceftriaxone : 1 g IM/jour pendant 7 à 10 jours,
gonococcie ano-rectale : même traitement que la gonococcie urogénitale basse,
orchi-épididymite gonococcique : cf chapitre spécial.